Les contes et légendes de la baie d'Audierne et du pays bigouden

La baie d'Audierne PENMARC'H
La pointe de la "torche" à Penmarc'h (sud de la baie d'Audierne) présente un des plus effrayants tableaux que l'imagination puisse concevoir. Par temps d'orage, les hurlements des flots qui se brisent contre le roc sont si affreux qu'on les entend même de Quimper, pendant la nuit.
Cette pointe de Penmarc'h est un de ces sites désolés auxquels il ne manque aucun deuil, pas même celui des ruines. Des débris immenses couvrent la plage, sans que personne puisse dire d'une manière certaine quelle ville s'y éleva autrefois.
La légende pourtant a son explication. Il s'agirait là des décombres d'une ville immense et fabuleuse submergée par l'océan sous l'effet de la colère de Dieu. Les pierres druidiques que l'on peut apercevoir dans les basses marées n'étaient rien d'autre que les autels de la cité engloutie. Chaque année, les prêtres venaient y faire offrande et dire la messe tandis que la foule accourue de toute la baie (d'Audierne) dans des barques priait alentour recueillie et à genoux.
D'après un texte d'Emile Souvestre, les derniers bretons, en 1836.

LES CORBEAUX DES ROCHERS DE LA GAMELLE
Les rochers de la Gamelle, au large d'Audierne, qui, selon les locaux, étaient le point le plus méridional de la ville d'Ys, ont gardé quelques allures de forteresse après la submersion. Ils ne se découvrent que de cinq pieds lors des grandes marées basses, mais ont trois quart de lieue d'étendue, à une lieue de la côte, ce qui rend l'entrée du port d'Audierne très dangereuse. Deux corbeaux y sont régulièrement aperçus. La tradition populaire a fait de ces volatiles les âmes du roi Gradlon et de sa fille, la princesse Dahud. Il est impossible de voir ces oiseaux de près car ils disparaissent dès que l'on s'approchent.

LE BATEAU DE LA SORCIÈRE OU "Bagou Sorserez"
Dans la baie d'Audierne et, surtout aux abords de l’île de Sein, on voit la nuit, des bateaux montés par une seule femme. Ce sont les Bagou Sorserez, les Bateaux des sorcières. Ils sont conduits par certaines veuves de l'île qui ont le mauvais œil.
Malheur à qui aborde un Bagou Sorseurez. La sorcière confie au patron un secret terrible. S'il le dévoile, lui et son équipage seront engloutis, la première fois qu'ils prendront la mer. Si même l'un des hommes dit avoir rencontré le Bagou-Sorserez, il périra dans la semaine.
Au commencement de 1890, un marin d'élite, qui avait vu le bateau des sorcières, eut l'imprudence d'en parler une fois arrivé à terre. Le lendemain, en allant à Brest, il tomba, par-dessus bord, il fut repêché aussitôt, mais il était mort.
Souvent, le matin, on a vu Catouche, la plus redoutée de ces veuves, revenir de la chaussée, toute trempée, avec son panier à goémon vide. Qu'avait-elle pu faire, la nuit dehors, sinon courir la mer ? Elle change son panier en barque, son bâton à retenir le varech en mât, et son tablier en voile.
D'autres veuves de l'île de Sein, qui ont reçu en naissant le don de vouer, auraient une puissance encore plus redoutable. Elles se rendent la nuit aux « sabbats de la mer » sur une embarcation de forme spéciale, qui n'est autre aussi que le panier à goémon. Elles s'y accroupissent sur leurs talons, et leur bâton à goémon leur sert d'aviron et de gouvernail. Elles se chargent de vouer à la mort, dans un certain délai, l'ennemi qui leur a été désigné, à moins qu'il n'ait auparavant réparé le dommage qu'il a fait.
La sorcière doit accomplir trois voyages, assister à trois sabbats, et remettre chaque fois au démon du vent et de la mer un objet ayant appartenu à l'homme qu'il s agit de faire disparaître.

Le bateau des morts LE BATEAU DES MORTS
A Audierne on est bien renseigné quant au capitaine d'un bateau des morts qui s'y montre de temps en temps. Il est rempli de lumières et l'on n'aperçoit personne à bord.
D'autres fois on entend seulement des bruits d’aviron, des commandements d'étarquer les voiles, mais on ne voit rien. C'est le Bag Noz (bateau de nuit) qui fait, sur mer, l’office que le Carrik an Ankou, le chariot des morts, fait sur terre. Il est commandé par le premier mort de l'année.
Une dame d'Audierne qui perdit son mari du choléra, le 1er janvier 1886, reçut le nom de An Itron’n ankou, la Femme du Trépas, son mari étant devenu le nouveau pilote du bateau des morts.
Lorsque ce bateau est commandé par un vieillard, il y aura, dans l'année, mortalité sur les enfants si le capitaine est un enfant, ce sont les vieillards qui mourront.

LES SUITES DES NAUFRAGES
Autrefois en Cornouaille, les marins rescapés d’un naufrage se présentaient à l’église la plus proche de leur lieu de naufrage, parfois longtemps, après l’évènement, dans l'état ou ils se trouvaient, lorsqu’ ils avaient échappé à la tempête.
Dans la baie d' Audierne, ils entraient dans l'eau jusqu'à, la ceinture avant de faire neuf fois le tour de la chapelle de Saint Demet de Plozevet, et ceux qui assistaient à la procession de Notre-Dame de Plogoff se jetaient auparavant dans la mer.

LES NUISIBLES SUR UN BATEAU
Les pêcheurs de Cornouaille croyaient autrefois que parler de certains animaux portait malheur. Ainsi le seul fait de prononcer les noms du lapin, du lièvre, du renard ou du loup sur un bateau en baie d'Audierne suffisait à faire remonter l'ancre et à rentrer au port.

PHILOPEN LE GÉANT DE LA BAIE D'AUDIERNE
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, vivait sur la baie d'Audierne un être peu commun que les gens du pays avaient appelé Philopen.
Si la légende en a fait un géant avec un seul œil dans la tradition du Polyphème d'Ulysse, il semblerait qu'à l'origine il fut un simple enfant déposé par un équipage étranger sous le proche de l'église St Alour en Tréguennec. il avait grandi seul. Vêtu d'une simple toile goudronnée, il vivait sur la grêve, dans une cabane faite de pierres qu'il s'était construite. Il vivait d'épaves qu'il allait chercher, un croc de fer à la main, loin au milieu des vagues. Jamais personne n'avait pu l'approcher ni lui parler.
Une mendiante cependant, l'avait un jour abordé et, dès lors, ne l'avait plus quitté. Les gens du voisinage virent en elle une "fille de l'eau salée" (Merc'h an dour zall). Philopen mourut fort âgé, quelques jours après sa compagne, et les habitants d'Audierne trouvèrent les deux corps, main dans la main, étendus sur une couche d'algues sèches. La femme dit-on n'aurait pu être enterrée. Son cadavre remontait toujours à la surface et l'on ne parvint à s'en débarrasser qu'en le jetant à la mer.
Philopen a -t-il vraiment existé? Jacques Cambry, en parlait déjà sérieusement dans son rapport de 1794 Voyage dans le Finistère. Il le décrivait comme une sorte de sauvage se nourrissant de la viande crue des lièvres et autres animaux qu'il attrapait à la course. Il alla même jusqu'à lui trouver un nom de baptême : Thomas Yvin, né à Tréguennec vers 1715.

LE NOVICE D'AUDIERNE
Un jeune novice d'Audierne qui était occupé à nettoyer le bord d'un navire au long-cours fut emporté la nuit par une lame, en pleine mer. On mit un canot à la mer et on jeta la bouée de sauvetage.
Le novice qui était tombé à l'eau vit tout à coup une femme qui venait à lui. Il crut voir sa mère qui venait au devant de lui pour l'embrasser, et lui disait : « Mon enfant, la Vierge vient à ton secours. Je suis allée à la chapelle de Saint-Anne pour te recommander. » La mère disparut alors et l'enfant perdit connaissance. Juste à ce moment le bateau arriva et le sauva des eaux. A bord il raconta sa vision, mais on eut beau le consoler, il mourut. Quand on dit à sa mère ce qui était arrivé, elle assura que le jour même où son fils était tombé à la mer elle était allée à la chapelle Sainte-Anne.
Revue des traditions populaires 1897 n°7.

La baignade des chevauxLA BAIGNADE DES CHEVAUX
Le bain rituel des chevaux était autrefois pratiqué sur tout le pourtour de la baie, d'Audierne à Penmarc'h, c'eût été manquer gravement aux usages que de ne pas les baigner dans la mer les jours des grandes fêtes religieuses dans l'après-midi. L'abstention eût attiré des malheurs sur le propriétaire ou ses animaux.

LE MAT DE PIERRE DE SAINT ENEOUR
A Ploneour-Lanvern, en pays bigouden, la stèle trônant près de l'église est censé être le mat du navire de pierre de saint Eneour avec lequel il aborda, accompagné de sa soeur, en baie d'Audierne.
Il a donné son nom à trois localités du Finistère : Plounéour-Ménez, Plounéour-Trez et Plonéour-Lanvern. Saint Enéour serait, selon la légende, enterré dans l’église de Plounéour-Ménez.
Au nord du Roc'h Trevezel, se situe un bloc de pierre, creusé de cavités où la légende voit l’empreinte du chapeau, du livre et des sandales de saint Enéour ainsi que la marque de son corps, et qui marquerait l’endroit où il serait mort.

LE PARDON D'AUDIERNE
A Audierne, sainte Evette apparait sur la mer le jour de son pardon. Toute resplendissante d'or et de soie, elle fait, montée sur son auge, le tour de la baie pendant la procession. Cette auge est celle qui servit à la sainte pour traverser la baie, et aborder à l'endroit où est aujourd'hui sa chapelle. Lorsque la sainte fut débarquée, l'auge d'elle-même s'éloigna de la côte et s'enfonça dans la mer. On aperçoit parfois ste Evette à marée très basse près d'une basse appelée le Sillon. Elle défend son port contre la tempête. Par aucun vent la mer ne peut y être violente. Lorsque parfois une légère brise y monte, c'est pour ramener au rivage les bateaux en danger. Jamais on a vu marin périr après l'avoir invoquée et faire route vers sa chapelle.

POUR SE DEBARASSER DE LA MALCHANCE
A bord des bateaux la malchance, ou Bosj, peut durer des semaines ou des mois. Pour la conjurer il faut voler quelque chose sur un bateau chanceux. La malchance sera transférée sur lui. La Bosj est un lutin qui loge toujours à la proue d’un navire. Pour la faire partir, il faut l’enfumer en faisant brûler du liège ou de la paille humide.
Les femmes du Cap Sizun faisaient souvent porter des louzous à leurs hommes pour conjurer la malchance. Pobet coz, un vieux marin d’Audierne en avait un cousu à son insu par sa femme dans la doublure de sa vareuse. Il prit beaucoup plus de poissons que les autres pêcheurs jusqu’à ce que sa doublure se troue et que le louzou tomba dans la mer. Dès ce moment, sa chance cessa et il prit autant de poissons que n’importe quel autre pêcheur.

Des bigoudènesORIGINE DE LA COIFFURE DES BIGOUDÈNES
Suivant une tradition que l'on racontait à Pont-l'Abbé il y a une quarantaine d'années, et qui se retrouve au Cap Sizun et à Mahalon, lors de la révolte du papier timbré (1675), le seigneur de Pont-l'Abbé, dont les vassaux avaient brûlé les papiers, arriva dans cette ville, le jour de la foire de Saint-Michel, avec les soldats du roi.
Ceux-ci se mirent à démolir le clocher de Lambour, pendant que le seigneur entrait dans la ville, et ordonnait à toutes les femmes de couper leur coiffe en deux.
Celles qui ne le voulaient pas, il les faisait attraper par les soldats qui leur coupaient leurs coiffes avec leurs sabres. Dans l'après-midi, les soldats, qui étaient saouls, allèrent sur toutes les routes, et en firent autant à toutes les femmes qu'ils rencontrèrent, bien que le seigneur n'eût aucun droit sur elles. Les femmes étaient furieuses. Elles allaient par les rues crier : « Puisque le roi a abattu le clocher de Lambour et le seigneur coupé nos coiffes, nous mettrons le clocher sur nos têtes ». El elles ont tenu parole. C'est la pointe du clocher de Lambour que les femmes ont maintenant sur leurs coiffes.
(H. LE CARGUET. Société arch. du Finistère, 1900, p. 340-1).
LES ALIGNEMENTS DE LESTRIGUIOU
A Plomeur, à côté de Pont-L'abbé, les alignements de Lestriguiou sont dus à des jets de pierres. Sainte Marie-Madeleine chassait le diable, venu l'importuner, à coup de pierres qu'elle portait dans son tablier. Le diable, pour échapper aux projectiles, s'est changé en serpent. C'est pourquoi les alignements ne sont pas droits. Les pierres louvoient comme un serpent.

LE DIABLE PÉTRIFIÉ DE PENMARC'H
A Penmarc'h, le diable s'était déguisé en ermite afin de s'emparer d'une jeune fille qui s'était réfugié sur un rocher proche de la côte. Le reconnaissant au dernier moment, la jeune fille eut juste le temps de faire le signe de croix et le diable s'engouffra dans les flots et se noya. Quand son corps fut rejeté par la mer qui n'en voulait pas, il était pétrifié. C'est lui le roc étrange qui montre un moine, le capuchon rabattu, et les mains jointes comme en prière.
Dans une autre version, c'est un moine qui a voulu se suicider en se jetant du rocher.