Les contes et légendes de la presqu'ile de Crozon

La presqu'ile de Crozon
LE GEANT DU CAP DE LA CHEVRE
Au sud ouest de Crozon et de Morgat s’avance dans la mer, en direction des côtes de Beuzec, la presqu’île dite de la Chèvre, mauvaise traduction du breton Beg ar C’hawr. Il s’agit en fait du promontoire du géant Kawr, l’un des principaux personnages de la mythologie bretonne, dont il subsiste de nombreuses traces dans toute la péninsule armoricaine. Ce mot Kawr ou Gawr vient du gallois et signifie simplement: Géant. Le souvenir des Géants, d’ailleurs, reste vif dans la région. La plupart des folkloristes, dont le célèbre Paul Sébillot, pense qu’il s’agissait des avatars des anciens dieux. Géants ou ogres, c’était la même chose. Ils régnaient jadis, naufrageurs vivants d’épaves et se repaissant de la chair des matelots noyés. Mais, heureusement pour l’espèce humaine, vivaient non loin de là, dans les grottes qui portent encore leurs noms, les korrigans, ces petits êtres facétieux qui peuplent les endroits déserts. Une nuit, le géant Kawr captura un émissaire korrigan qui convoquait toutes les tribus de la baie de Douarnenez à une réunion dans la grotte de Morgat. Son cerveau simplet bien que démesuré imagina alors de creuser un tunnel pour arriver par surprise dans la dite grotte et gober le plus de korrigans possible. Le jour dit, Kawr débouche en hurlant dans la grotte mais constate qu’il n’y a personne. C’était un piège! Les korrigans ont allumé et entretiennent un grand feu de warech et de goémons devant la cavité souterraine. La fumée s’y engouffre. une fumée acre , épaisse, qui a tôt fait d’asphyxier le géant qui s’écroule. Ils poussèrent ensuite d’énormes blocs extraits de la falaise et murèrent les issues. Il n’est pas rare, depuis, par les soirs de tempêtes d’entendre hurler les géants avec les vents furieux. N’ayez cependant aucune pitié. Quiconque les libérerait se verrait immédiatement dévoré tant la faim doit les tenailler.

LES MARY MORGANS
Des Mary Morgans (femmes aquatiques) vivent encore dans une grotte près de Crozon, souvent inaccessible à cause de la mer.
Un seigneur du voisinage, désolé de ne pas avoir d’enfant, vit un soir sur le chemin de son château une mignonne fillette abandonnée dans un panier de jonc. Il l’emporta à son logis et sa femme et lui l’élevèrent comme si elle eût été leur fille. Mais c’était une Mari Morgan et bien souvent, la nuit, l’enfant disparaissait du berceau où on l’avait couchée, sans que l’on put savoir ce qu’elle était devenue.
Lorsqu’elle fut grande, on entendit souvent, le soir, dans la cour du château, le pas d’un cheval; c’était un « folgoat » (cheval marin) qui appelait la Mary-Morgan. On voyait ensuite une lumière éblouissante; c’était la jeune fille qui répondait à son appel; elle s’en allait et restait parfois absente pendant des semaines. ceux qui l’avaient élevée essayèrent en vain de la retenir, elle les quittait, et un jour elle ne revint plus.
Les gens du pays assurent qu’elle est encore dans cette grotte, la dernière qui soit la demeure des Mary Morgans.

LA GROTTE DE L’AUTEL
Quand il y a des naufrages dans la baie de Douarnenez, la mer transporte les noyés dans la grotte de l’Autel, près de Morgat, sur la presqu’île de Crozon, appelée ainsi à cause d’une roche en forme d’autel qui s’y trouve en plein milieu.
Leurs âmes y séjournent pendant huit jours avant de partir pour l’autre monde. Celui qui troublerait leur solitude en s’aventurant dans cette grotte durant cette période y périrait de male mort.

La vieille Barban BARBAN
Sur la presqu’ile de Crozon, Barban était une vieille femme acariâtre et riche de la région d’Argol qui passait son temps à dire du mal des autres, aussi l’avait-on surnommée « langue de vipère ». Lorsqu’elle mourut, elle dut comme punition rester sur terre sous la forme d’une vipère, gardienne de son trésor qu’elle avait enterré dans le « champ du haut ». pour lui prendre il fallait la laisser s’enrouler autour de votre jambe le jour des rameaux pendant la lecture de l’évangile. Si vous parveniez à déterrer le trésor avant la fin de l’évangile, il était à vous sinon elle vous piquait mortellement.
D’après le livre « Dans la presqu’ile on raconte que » du docteur P. ALIX.

PARC AR VILAR
C’était un parc près d’Argol sur la presqu’ile de Crozon où les korrigans avaient élu domicile. Il n’était pas possible d’y cultiver quoi que ce soit.
On les entendait danser certaines nuits de l’année et le matin, il était parfois possible de voir des cercles d’herbes calcinées. On ne pouvait rien construire sur ce terrain. Le recteur, après avoir tenté bien des choses pour chasser les petites créatures se résolut à laisser le Saint Sacrement toute une nuit sur le terrain. Le lendemain matin, elles avaient toutes disparu et le propriétaire put enfin faire ce qu’il voulait.
Histoire tirée du livre « Dans la presqu’ile on raconte que… » du docteur P. ALIX aux éditions Le Signor.

LE TRÉSOR DE TAL AR GROAS
Sur la presqu’ile de Crozon, il y a un carrefour où toutes les routes se rejoignent: Tal Ar Groas. Non loin de là se trouve un champ, « Corn-Youhenn » dans lequel trônait un dolmen qui passait pour protéger un trésor des korrigans.
Pour se l’accaparer, il fallait y aller une nuit de pleine lune, rester absolument silencieux et faire tomber le dolmen. Un énorme taureau rouge aux cornes d’or sortait alors de terre avec le trésor. Si l’on restait silencieux et que l’on attendait qu’il se calme pour pouvoir lui toucher les cornes, il vous laissait partir avec le trésor sinon, il repartait sous terre avec.

L’ABBÉ LE MONZE ET SON FRÈRE
Avant la Révolution, l’abbé Le Monze vivait en paix à Kérédan près de Telgruc sur la presqu’ile de Crozon. Cet abbé avait un frère très étrange: un cultivateur instruit qui pratiquait la magie avec excellence, mais uniquement la magie blanche. Il se contentait de tours sans conséquences et ne jetait jamais de sort, se gardant bien d’invoquer les démons. Un jour que son voisin mettait en doute ses pouvoirs, il l’emmena avec lui dans les airs à califourchon sur un bâton jusqu’à Locronan où le voisin se blessa le pied après avoir heurté le clocher. Lorsque vint la Révolution, les « bleus » vinrent un jour pour arrêter l’abbé Le Monze. Quelle ne fut pas leur stupéfaction lorsque des tas de bois sur le bas côté se mirent à s’animer, chaque bûche et bâton venant les rosser et battre comme plâtre. On ne sut jamais de qui cela vint mais tout le monde, l’abbé en premier, remercia chaleureusement son frère.

Un lutin et un cheval
PROTECTION DES CHEVAUX DANS L’ÉCURIE
Souvent dans la presqu’ile de Crozon les korrigans viennent prendre les chevaux dans les écuries pour les utiliser pendant toute la nuit et les ramener le matin, fourbus et la crinière emmêlée. Afin d’éviter cela il suffisait d’accrocher un pantalon dans l’écurie afin de faire croire qu’un palefrenier y dormait.

LES JURONS
Une gardienne de vaches de la presqu’ile de Crozon avait pour habitude de rentrer ses bêtes à grands coups de jurons bien sentis qui auraient fait rougir un sapeur.
Son amie la mit en garde de prononcer ainsi le nom du diable à tort et à travers.
La gardienne lui répondit qu’elle n’avait pas peur et même qu’elle aimerait bien voir la tête qu’il avait.
Aussitôt un démon noir, cornu et crachant des flammes sortit d’un buisson de houx et les poursuivit jusque chez elles. Elles eurent juste le temps d’atteindre leur maison avant d’entendre un grand choc contre la porte qui garda depuis l’empreinte d’une main noire qu’aucune couche de peinture ne parvint à faire disparaître.

LE TOMBEAU DU ROI GRADLON A CROZON
Le tumulus de Run Bily à Crozon passait pour être le tombeau du roi Gradlon après qu’il eut quitté la ville d’Ys submergée par les flots. Une autre version place cette même tombe à l’Abbaye de Landevennec.

La plus belle femme du mondeBRANDWEN LA PLUS BELLE FEMME DU MONDE
Note de la MDCELDC: voici une légende trouvée sur Internet. Comme les sources ne sont pas indiquées, nous ne pouvons en garantir l’ancienneté, mais elle permet de savoir que les plus belles filles du monde se trouvaient sur la presqu’ile de Crozon.
Les gens de Camaret croyaient que les plus belles filles du monde étaient les filles de la presqu’île de Crozon. Jusqu’au jour où un étranger de passage dit aux camarétois : « j’ai vu à Lanildut une fille mille fois plus belle que la plus jolie fille de chez vous » ! Tout Camaret fût sous le choc ! Il fallait faire quelque chose. Gurvan, un jeune pêcheur, fut désigné pour aller vérifier.
Il quitta Camaret à bord de son bateau, passa devant la pointe Saint Mathieu et le soir, rentra dans la baie de Lanildut, en même temps que les pêcheurs du pays.
Un pêcheur questionna Gurvan.
– Qui es tu ?
– Guervan de Camaret.
– Que viens tu faire ici ?
– Quelqu’un est passé chez nous et nous a dit qu’il y avait ici une femme mille fois plus belle que la plus jolie fille de la Presqu’île.
– C’est vrai, ici vit Brandwen, la plus belle fille du monde. Mais c’est une magicienne. Tu vois cette tour, en haut du village. C’est là qu’elle habite avec son père. D’ailleurs tu la verras tout à l’heure. Tous les soirs, elle vient se promener sur cette plage.
Tous les pêcheurs reprirent leur travail, quant la porte de la tour s’ouvrit.
Une jeune femme au bras d’un veillard apparue. Ils traversèrent le village et partirent en direction de la mer, en passant devant Gurvan et les pêcheurs de Lanildut.
Gurvan, à son passage, s’exclama :
– Mais, elle porte un masque d’or !
Et un pêcheur lui répondit :
– C’est une magicienne, elle transforme en statue de pierre tous ceux qu’elle regarde.
La jeune femme arriva au bord de l’eau. Là, elle retira son masque d’or, laissant son regard errer sur la mer, et ses cheveux flotter au vent.
Guervan la regardait et pensait : comme elle est belle. Elle est plus belle que le couché du soleil sur la mer, plus belle que la goutte de rosée sur la fleur, plus belle que les vagues de la mer, plus belle que toutes les créations de la terre. Elle est si belle !!
Comme si elle avait entendu sa pensée, Brandwen se retourna. Son regard effleura les yeux de Gurvan. Et celui ci ressentit comme une explosion dans son coeur.
Devant la mer, Brandwen remit son masque d’or et retourna vers le village. Gurvan voulut la suivre, mais un pêcheur le retint.
– Mais ou vas tu ?
– Je veux lui parler !!!
– Tu vois, elle t’a déjà ensorcelé … c’est une magicienne, elle n’est pas pour toi … ni pour personne d’ailleurs. Oublie-la !!! Et rentre à Camaret demain.
Gurvan suivit son nouvel ami, ils mangèrent ensemble, mais Gurvan était amoureux, et pensait à Brandwen. Après le repas, Gurvan ne pût s’empécher de passer devant chez elle. La fenêtre de sa chambre était éclairée. Alors Gurvan trouva une échelle et grimpa jusqu’à la fenêtre. Il frappa et Brandwen lui ouvrit, masquée d’or.
– Qui êtes vous ?
– Je suis Gurvan, je vous ai vue sur la plage, et je voulais vous parler.
– Laissez moi tranquile, allez vous en !!!
– Avec qui parles tu ma fille ?
– Ce n’est rien Père, ce n’est que le vent.
Et la fenêtre se referma. Gurvan se retrouva seul dans la nuit, il repartit sur la plage.
Au milieu de la nuit, dans son rêve, il allait embrasser la belle Brandwen, quand on le réveilla en le secouant.
– Gurvan, Gurvan !! Réveille toi !! Les vikings viennent de débarquer sur la plage : ils vont encore tuer, voler et piller. Prends cette fourche et viens avec nous, il faut se battre !
Gurvan et sa fourche suivirent les hommes du village. Ils coururent jusqu’à la plage, et là, sur la mer, Gurvan vit un dragon posé sur l’eau. De ses flancs sortaient en hurlant des géants habillés de fer, dans une main ils brandissaient une hache, et de l’autre, une torche.
Alors, les armes de bois ont affronté les armes de fer. Le sang coula sur le sable.
Les premières maisons du village brûlèrent, on entendait des cris de femmes et d’enfants torturés.
C’est là que Brandwen, le visage dénudé, arriva sur la plage.
– Assez ! la terre a bu assez de sang, arrêtez ces massacres !
Éblouis par sa beauté, les hommes aux bras de fer ont suspendu leurs gestes, alors Brandwen a plongé ses yeux d’or dans les yeux bleus des adversaires, et un à un, les a transformés en statues de pierre.
Ils sont toujours là, sur la plage de Lanildut, usés, rabotés par le vent, les vagues et le sable, ils attendent le dragon qui viendra les reprendre.
Les survivants sont repartis en hurlant sur le vaisseau dragon qui disparut sur la mer. On ne les a jamais plus revus à Lanildut.
Pendant toute la durée du combat, une mouette a survolé la plage. Après le départ des guerriers, elle a annoncé à Brandwen :
– Brandwen, par ton pouvoir tu as délivré ce village. Maintenant, va sur la mer et cherche l’île des pierres. Quant tu l’auras trouvée, restes-y jusqu’à qu’elles reprennent le pouvoir qu’elles t’avaient donné.
Brandwen prit une barque.
– Je ne reviendrai à Lanildut que libérée de mon pouvoir.
Les vents et les courants guidèrent sa barque, et au bout de 3 jours et 3 nuits, elle débarqua sur le rivage désert d’une petite île.
La mouette l’attendait :
– Brandwen, pendant 1 an, tu resteras sur l’île des pierres et tu ne parleras qu’aux pierres, jusqu’à ce qu’elles reprennent leur pouvoir.
Ainsi, Brandwen s’est installée sur l’île.
Pendant ce temps, Gurvan la cherchait partout dans le monde. Il fit tous les ports de Bretagne en demandant :
– N’avez vous pas vu Brandwen, la plus belle femme de la terre ?
Mais personnes n’avait entendu parler d’elle.
Un an après son départ, une mouette a survolé la barque de Gurvan. Il l’a suivie. Elle l’a conduit jusqu’à l’île aux pierres. Quant Gurvan descendit de sa barque, la mouette lui dit :
– Ici vit celle que tu cherches. Tout à l’heure, tu la verras apparaître.
Il l’a attendue, puis il a vu, au loin, sur la dune, une femme marcher. Elle se rapprocha. Elle portait un masque d’or. Il s’est avancé vers elle. Quant ils ont été face à face, Gurvan a retiré le masque de Brandwen et plongé ses yeux bleus dans ses yeux d’or.
– Brandwen, je suis venu te chercher.
Il lui prit la main et la porta sur le bateau.
C’est au milieu de la mer que les vagues et les vents les ont mariés et on ne les a jamais revus.

LES BÂTONS DE HOUX
Sur la presqu’île de Crozon, ceux qui possédaient un Egremont (grimoire de sorcellerie, autre nom de l’Agrippa) pouvaient, paraissait-il, voler en taillant deux grosses baguettes de houx. Il suffisait de les poser croisées par-terre puis de s’asseoir dessus en tailleur en coinçant les baguettes entre ses jambes et de dire une formule magique apprise dans l’Egremont.

Deux chiens noirsLA VIEILLE JEANNE
C’était une femme à la réputation plus que douteuse qui habitait sur la presqu’ile de Crozon. On disait d’elle qu’elle faisait commerce avec le diable pour jeter des sorts à ceux qui l’importunaient.
Son trépas a laissé un relent de soufre: les voisines les plus proches se préparaient selon la coutume, à faire sa toilette mortuaire en faisant bien attention à ne pas déranger le grand chien noir avec lequel elle vivait et qui était couché au pied de son lit.
Soudain un autre grand chien noir entra dans la pièce. Les deux bêtes attrapèrent le cadavre chacune par un bras puis l’emportèrent avec eux. On ne revit jamais la vieille Jeanne et l’on suppose que, comme à son habitude, le diable était venue emporter sa servante avant que le prêtre ne puisse venir faire son office.

LES EAUX DU 1er MAI
Le 1er mai était une date propice au vol de lait ou de beurre par les sorciers. L’eau des fontaines de cette époque favorisait la lactation des bêtes et des femmes.
A Telgruc, dans la presqu’île de Crozon, celui qui puisait le premier seau d’eau dans le puits du village ce jour-là puis la donnait à boire à ses bêtes était sûr de les garder en bonne santé et d’en avoir du bon lait. Le même résultat était obtenue en lavant les ustensiles pour baratter avec l’eau du dernier seau puisé avant la nuit du 1er mai.
On aspergeait aussi le pis des vaches avec la rosée des matins de mai, censée être tombée directement de la lune, pour avoir du bon lait pendant l’année.

LA FILLE DE LA MARY MORGAN
Près de Crozon , se trouve une grotte, souvent inaccessible à cause de la mer, où vivent encore des « Mary Morgan », et l’on raconte qu’un seigneur du voisinage, désolé de ne pas avoir d’enfant, vit un soir sur le chemin de son château une mignonne fillette abandonnée dans un panier de jonc.
Il l’emporta chez lui, et sa femme et lui l’élevèrent comme si elle eût été leur fille. Mais c’était une Mary Morgan. Bien souvent, la nuit, l’enfant disparaissait du berceau où on l’avait couchée, sans que l’on put savoir ce qu’elle était devenue.
Lorsqu’elle fut devenue grande, on entendit souvent, le soir, dans la cour du château le pas d’un cheval, c’était un «folgoat» (cheval aquatique) qui appelait la Mary Morgan.
On voyait une lumière éblouissante, c’était la jeune fille qui répondait à cet appel et était quelquefois des semaines absente. Ceux qui l’avaient élevée essayèrent en vain de la retenir; elle les quittait, et un jour elle ne revint plus. Les gens du pays assurent qu’elle est encore dans cette grotte, la dernière qui soit la demeure des Mary Morgan.
(Conté par M. Le Bihan habitant de Crozon).

Un lézard blancLE LÉZARD FANTASTIQUE
A Morgat, si l’on met une plume de poule et une plume de coq rouge et noire dans un bol de lait, on obtient un petit lézard blanc à huit pattes, mais personne n’ose le faire car ce petit lézard est insatiable et devient vite un dragon que l’on ne peut plus contrôler.

L’ÂME DU SOIR
Dans les environs du Fret et de Camaret, sur la presqu’île de Crozon, quand une personne venait à mourir, on n’osait plus approcher de la maison qui avait été habitée par elle. On disait que tous les soirs l’âme de la personne venait dans la maison, qu’elle faisait un grand feu et restait près de l’âtre la tête dans les mains.
A minuit elle repartait par la cheminée en lançant des cris aigus et perçants. De plus, si quelqu’un se hasardait de passer près d’une de ces maisons la nuit, l’âme venait à vous et vous battait avec un balai jusqu’au sang. De là la frayeur des habitants.

LA FALAISE HANTÉE
On raconte qu’autrefois un jeune homme, passant très tard pour rentrer chez lui, longeait la côte de la grève de Saint-Fiacre sur la presqu’ile de Crozon pour raccourcir son chemin. Ayant fait un faux pas, il tomba de la falaise sur un rocher à pic. L’on voit encore la pointe très rouge. C’est, d’après le dire des vieilles femmes, une tache de sang. Elles ajoutent aussi que tous les soirs on voit une mouette s’envoler de cette tache en lançant des cris lugubres C’est l’âme de ce jeune homme.

SAINT FIACRE ET LES ENFANTS
A Saint-Fiacre en Crozon il existe une fontaine renommée. Tous les ans les habitants de Plougastel y viennent pour le pardon. Ils disent que si l’on n’arrose pas ce jour-là la tête des enfants avec l’eau de la fontaine, ils meurent dans l’année, soit subitement ou par maladie.
Autrement ils deviennent robustes et acquièrent de bonnes qualités, car ils ont la bénédiction de saint Fiacre. Aussi tous les ans arrose-t-on avec cette eau la tête des enfants. C’est une coutume qui tend à disparaître, mais qui cependant se pratique encore.

Deux chiens noirsPOURQUOI ON NE JETTE PLUS DE PIERRES AUX CORBEAUX
Dans un village des environs du Fret (presqu’île de Crozon) appelé Keroued, on construisait une maison neuve. Il y avait trois ouvriers sur un échafaudage situé à huit pieds environ de terre, lorsqu’ arriva un corbeau très noir. Cet oiseau est appelé dans ces parages l’oiseau de malheur comme la chouette.
Dès que les trois ouvriers le virent ils cessèrent leur travail. Le corbeau vint se placer sur un arbre peu haut à une petite distance de la maison en construction.
Alors un des ouvriers prit un caillou, et soit hasard, soit autre chose, il lui lança et l’atteignit près de l’aile. Les trois ouvriers se mirent alors à battre des mains et à féliciter le premier de son adresse.
Celui-ci allait descendre pour l’attraper. Il était déjà à deux pas lorsqu’il aperçut l’oiseau gisant dans son sang qui coulait de sa profonde blessure. Il allait se baisser pour le prendre, lorsque l’oiseau s’envola rapidement en criant : « Maudit sois-tu! Toi et tes compagnons mourrez dans cette semaine, je suis l’envoyé de Dieu. »
Il fut bientôt perdu de vue. Autre chose extraordinaire, la place qu’avait occupée le corbeau était intacte. Pas même la marque d’une trace de sang, tout avait disparu.
La prédiction de ce corbeau fut vraie. Deux des ouvriers moururent en tombant de l’échafaudage le jour même. Quant au troisième, il mourut noyé dans une mare assez profonde qu’on appelle depuis : « Poul ar beuset gand Doué ! »
Les trois corps gisent dans le cimetière, l’un à côté de l’autre. On a beau semer des fleurs sur la terre du tombeau, il n’y pousse jamais que des ronces et des épines. Depuis ce temps l’on ne jette plus de pierres aux corbeaux.

LA SORCIÈRE QUI MÉTAMORPHOSE
A côté d’une croix, sur la route qui va du Fret à Crozon, avait vécu autrefois, dans une cabane que l’on voit encore de nos jours, une vieille sorcière qui pouvait transformer un homme quelconque en animal.
Tout le monde la redoutait. Maintenant elle est morte, mais on conte que celui qui passerait le soir devant sa cabane, sans y mettre un genou à terre sur un caillou usé déjà par l’habitude, serait transformé en rat jusqu’à ce qu’un autre, transformé, vienne ainsi le délivrer.
Un jeune homme disparut ainsi pendant huit jours alors qu’il allait à Crozon. Puis il est revenu, sans se rappeler de rien.

Le géant de CrozonLES GÉANTS ET LES KORRIGANS
Au sud-ouest de Crozon et de Morgat s’avance dans la mer, en direction des côtes de Beuzec, la presqu’île dite de la Chèvre, en breton Beg ar C’hawr. C’est bel et bien le promontoire du géant, ou Kawr, l’un des principaux personnages de la mythologie bretonne, dont il subsiste de nombreuses traces dans toute la péninsule armoricaine.
Le souvenir des Géants, d’ailleurs, reste vif dans la région. Au nord du cap de Kawr, la pointe et l’anse de Dinan furent aussi leur domaine. On appelle Château de Dinan l’imposante masse de rochers qui s’y trouve accumulée; ce mot doit s’entendre, d’après l’ancien breton, au sens de « petite citadelle ».
Les Géants y régnaient donc jadis, naufrageurs vivants d’épaves et se repaissant de la chair des matelots noyés. Mais, heureusement pour l’espèce humaine, vivaient non loin de là, dans les jolies grottes qui portent encore leurs noms, les Korrigans, ces petits nains facétieux qui peuplent les endroits déserts. Une nuit, les Géants leur cherchèrent querelle, sans toutefois parvenir à les surprendre, car les korrigans s’étaient aussitôt dispersés dans les rochers. Regroupés, ils enfumèrent leurs ennemis, par de grands feux de goémon, à l’intérieur des grottes, puis, à l’aide d’énormes blocs extraits de la falaise, ils en murèrent les issues.
On peut visiter aujourd’hui, à la Pointe de Dinan, les hautes grottes des Korrigans et admirer deux arcades de rochers surplombant la Percée des Korrigans, et reliant de cette façon la Château à la terre ferme.

CROZON
Le manoir de Hirgars aurait été la demeure d’un géant tout comme le manoir du Poulmic, duquel dépendaient les seigneurs d’Hirgars au Moyen-Âge. Un jeune homme de Crozon, Corentin, aurait réussi à tuer les deux géants et à délivrer au propre et au figuré la fille du seigneur de Rosmadec, métamorphosée en jument par le géant d’Hirgars. Corentin épousa la jolie fille de Rosmadec et fit reconstruire le manoir avec le trésor du géant.

NOTRE DAME DE PORZ-SALUD A CROZON
La statue de ND de Porz-Salud conservée dans la chapelle St Laurent est l’unique vestige du sanctuaire ruiné en 1804. Plusieurs femmes de Crozon auraient prétendu que la Vierge errait la nuit dans les ruines de l’édifice, mais ce dernier n’a jamais été reconstruit.

ARMEES FANTOMES
En 1594, le siège de Crozon opposa 400 soldats espagnols retranchés en haut de la presqu’ile de Roscanvel, en un lieu appelé depuis la pointe des espagnols, à 6000 soldats français et anglais. Il fallut tout un mois pour les déloger au prix de plus de 3000 victimes côté franco-anglais.
La tradition assure que des centaines de soldats y dorment encore sous les bruyères. Or les âmes de ceux qui sont morts là-bas sans avoir obtenu l’absolution sont condamnées à rester près de leur cadavre, et, à une certaine heure de la nuit, elles s’élèvent du sein de la terre et se mettent à parcourir le champ funèbre dans toute son étendue en gémissant pour demander des prières. Elles sont condamnées à errer jusqu’au Jugement Dernier sur cette lande, s’avancer en rangs serrés pour reconquérir un fort qui n’existe plus depuis longtemps. Malheur au voyageur de nuit qu’elles rencontrent sur leur passage, dès qu’elles l’ont touché, il tombe frappé par une puissance invisible et doit mourir avant le soir suivant.

le rocher du moine LE MOINE DE LANDEVENNEC
Les marins qui fréquentent l’embouchure de l’Aulne donnent le nom de moine de Landévennec à un bloc de granit qui se dresse au bord de l’eau, et qui a en effet cette forme.
L’abbaye de Landevennec, fondée par Saint Gwenolé, avait eu le privilège par Dieu d’être un morceau du Paradis sur terre. L’origine, quiconque y résidait avait donc l’assurance d’être sauvé et de vivre très longtemps, voire éternellement.
La plupart des moines avaient parfaitement conscience d’être des privilégiés sauf un, abandonné à sa naissance devant l’abbaye et qui avait prononcé ses vœux par simple commodité plutôt que par conviction.
Le père abbé, fatigué des frasques de ce moine qui mangeait trop, buvait trop et troussait aussi les jeunes filles à l’occasion, finit par se résoudre à l’exclure de l’abbaye et à le reléguer dans une grotte voisine en expiation de ses désordres.
Furieux, le moine se retourna pour lancer une malédiction contre l’abbaye mais Dieu le pétrifia et il devra garder cette attitude jusqu’au jugement dernier.


LES SEPT SAINTS
D’après une tradition du pays, il existait autrefois à Landévennec, au village nommé aujourd’hui Seiz Kroas, un forgeron dont la femme était extrêmement pieuse. Cette femme se rendait régulièrement tous les matins à l’abbaye pour y entendre la messe, ce qui déplaisait à son mari. Celui-ci lui en fit des reproches, prétendant que ce n’était pas le sentiment religieux qui l’attirait à l’abbaye, mais les moines. La femme se défendit de cette inculpation outrageante, et dit à son mari qu’il devait être aussi sûr de son innocence qu’elle était certaine de pouvoir tenir entre ses mains le soc de charrue qu’il forgeait en ce moment. « Eh bien ! porte-le à Landévennec », lui répondit son mari, en jetant sur le sol le soc incandescent. La digne femme le prit dans les mains et le porta au bourg, distant d’environ une demi-lieue de la forge. Ceci ayant été considéré par les habitants comme un miracle, le soc fut placé entre deux saints dans l’église de l’abbaye, où il resta jusqu’à la Révolution. Quelque temps après, la femme du forgeron accoucha de sept garçons. Le mari les enleva, les mit tous les sept dans une maie à pâte ou pétrin, les porta à l’anse de Pen-Forn, là où se trouvent aujourd’hui mouillés les vaisseaux de l’Etat, et les abandonna à la merci des flots.
La maie fut entraînée vers le Faou dont les habitants voulurent recueillir les enfants ; mais ceux-ci, tout en témoignant leur reconnaissance, dirent qu’ils ne pouvaient pas s’arrêter en cet endroit et qu’ils devaient aller plus loin ; puis ils prédirent que le bois du Kranou ou Krano, qui s’étendait jusqu’à la ville, fournirait éternellement les plus beaux bois d’œuvre de tout le pays, ce qui s’exprime encore de la manière suivante dans les environs : Er forest ar Krano – Biken koat na vanko. (Dans la forêt de Kranou, – Jamais le bois ne manquera).
Les enfants furent ensuite entraînés vers l’ouest, et lorsqu’ils passèrent vis-à-vis le sillon de Landévennec (sillon des Anglais) on les entendit, du bourg, chanter d’une voix forte des cantiques mélodieux. La maie, poussée par les flots, aborda à Daoulas. Les habitants accoururent au rivage, mais pas un seul d’entre eux pour recevoir les enfants. Ceux-ci poussèrent au large leur léger esquif, et dirent aux Daoulasiens qu’avant longtemps leur bois du Garz ne pourrait fournir un simple timon ou gaule de charrette. On prétend que c’est depuis cette époque que ce bois n’est plus qu’un mauvais taillis.
Après avoir été longtemps ballotés par les vagues, les sept enfants abordèrent enfin sous le château de Brest ; ils y furent accueillis par les habitants et transportés dans une maison voisine du château, mais ils y moururent tous les sept peu de temps après leur arrivée, et leurs corps furent enlevés par des anges. La maison fut démolie, et l’on bâtit à sa place une église en leur honneur sous le vocable des Sept Saints.
Le village où étaient nés les enfants, et dont on n’a pu retenir l’ancien nom, prit celui de Seiz Kroas, sept croix, sept douleurs.