Les contes et légendes de la forêt de Huelgoat et du Poher

La forêt de Huelgoat LE GÉANT DE RUSQUEC
Gewr ou Guevrel était seigneur du château du Rusquec non loin de Huelgoat. Pour le construire, il avait amoncelé un chaos de pierre qui lui servait de carrière sur les hauteurs du hameau de Saint-Herbot, non loin de Huelgoat. On peut encore voir la vasque de pierre qui lui servait de coupe à boire devant le château. sa taille approximative était de 81 pieds soient environ 25 mètres. Il parlait des arbres comme des fougères. Il fut défait par Saint Herbot qui dut le plier neuf fois pour l’enterrer convenablement.

LE TRÉSOR D’ARTHUR
A Huelgoat, dans la forêt se trouve un ancien oppidum gaulois appelé le Camp d’Artus ou Camp du roi Arthur, où le célèbre monarque aurait résidé dit-on.
C’est un lieu qui passait pour être hanté dans la population locale. Il valait mieux ne pas s’y aventurer la nuit, car les démons qui le gardaient apparaissaient aux imprudents sous la forme de deux feux follets et interdisaient l’accès à l’enceinte. On y entendait parfois aussi des hurlements. Les êtres surnaturels qui résidaient là se disputaient les immenses trésors cachés dans le sol.

LE CHÂTEAU DU GOUFFRE
L’endroit appelé Kastel Ar Gibel ou Château du Gouffre passait pour être le lieu où la princesse Dahut se débarrassait de ses amants d’une nuit en les faisant jeter dans la cavité rocheuse où se perd la rivière d’argent de la forêt de Huelgoat.
Cet endroit est bien loin de la baie de Douarnenez et de la ville d’Ys mais qu’à cela ne tienne, la légende relie la rivière d’argent à la mer par l’océan souterrain sur lequel reposait la péninsule armoricaine.

La roche tremblante de la forêt de HuelgoatLA ROCHE TREMBLANTE
La Roche tremblante est le clou d’un des parcours de la forêt de Huelgoat.
Bien qu’elle pèse plus de 130 tonnes, elle oscille sur son arête lorsque l’on s’appuie (avec le dos) à un endroit bien précis. Elle mesure environ 7m de longueur sur 4 de large.
Et vous ? Réussirez-vous à faire « trembler » ce rocher ?

LES SANGLIERS DU HUELGOAT
Saint Pierre et le Bon Dieu descendirent un jour sur la terre, l’un sous les apparences d’un bûcheron, l’autre sous celles d’un cultivateur. Ils étaient accompagnés d’une truie, près de mettre bas, avec laquelle ils se dirigèrent vers une chaumière habitée par une vieille boulangère qui n’avait pas été favorisée par la fortune. Elle était assise sur le pas de sa porte, quand Saint Pierre et le Bon Dieu l’abordèrent en lui disant :
— Voici une truie sur le point d’être mère. Nous vous en faisons cadeau à une condition, c’est que vous nous réserviez la moitié des petits qu’elle aura faits.
— Accepté, dit la femme qui n’avait jamais eu l’occasion d’avoir une truie et que cette offre comblait de joie.
— Nous reviendrons dans une semaine, dirent les voyageurs. Vous nous mettrez de côté notre lot de porcelets.
La pauvre femme rayonnait de plaisir. Elle bâtit bien vite avec du genêt et des mottes une soue pour sa truie, l’y coucha sur une bonne litière et la régala de pommes de terre et de trognons de choux noyés dans une gwelien (eau de vaisselle) onctueuse. Le lendemain, la truie mit bas huit petits.
— Bon ! se dit la vieille, les voyageurs ne sont pas là. Ils ne savent pas combien ma truie a eu de petits. Au lieu de huit, je ne leur en avouerai que quatre, ce qui portera ma part à six.
Son four était vide : elle y cacha quatre gorets. Le matin du huitième jour nos deux voyageurs se présentèrent : — Combien la truie a-t-elle eu de petits ? demanda l’un d’eux.
— Quatre, dit effrontément la femme.
— Et ceux-ci, dirent le Bon Dieu et Saint Pierre en se dirigeant vers le four, vous les oubliez donc ?
La femme se mit à trembler.
— Pardonnez-moi, s’écria-t-elle, je ne recommencerai plus.
Mais, sur un geste du Bon Dieu, Saint Pierre avait ouvert le four et les quatre porcelets avaient pris leur trot dans la direction du bois voisin. Seulement, comme ils s’étaient roulés dans la cendre chaude, leur soie s’était toute roussie et c’est depuis ce temps que les sangliers ont le poil brun.
(Conté par Guillaume Guyomarc’h, cocher, Huelgoat).

BROCELIANDE SERAIT-ELLE EN CORNOUAILLE BRETONNE ?
Brocéliande est une forêt mythique qui apparaît dans la geste du roi Arthur, mais nulle localisation n’est donnée. Elle va rester dans l’imaginaire jusqu’au XVe siècle. À cette époque, plusieurs chroniqueurs et historiens bretons utilisent l’œuvre de Geoffroy de Mommouth sur le roi Arthur pour tenter de démontrer l’origine lointaine de la royauté en Bretagne dont les ducs sont les successeurs, soucieux d’indépendance entre la France et l’Angleterre. Les grandes familles bretonnes emboîtent le pas et tentent d’appuyer leur gloire en revendiquant la possession de terres arthuriennes, ainsi, en 1475, les Rohan affirment-ils descendre d’Arthur et posséder le château de la Joyeuse Garde « où le roi Arthur tenait sa cour ». Les Laval, reconnaissant en leur terre de Brecilien, le Brecheliant de Wace, inventent la « fontaine magique » et se proclament ainsi seigneurs de Brocéliande. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les auteurs romantiques défendent différentes localisations : l’abbé de La Rue évoque la forêt de Lorge près de Quintin, Châteaubriand l’identifie à Becherel, écrivant d’ailleurs : « Au XIIe siècle, les cantons de Fougères, Rennes, Bécherel, Dinan, Saint-Malo et Dol, étaient occupés par la forêt de Brécheliant ; elle avait servi de champ de bataille aux Francs et aux peuples de la Domnonée. Wace raconte qu’on y voyait l’homme sauvage, la fontaine de Berenton et un bassin d’or. ». Certains auteurs, dont le plus imaginatif semble être Blanchard de la Musse, retrouvent la charte des Usemens de Brecilien datée de 1467, et placent le Tombeau de Merlin et le val sans retour dans les environs de Montfort et de Paimpont. Dès la fin du XVIIIe siècle, « l’identification entre la forêt de Paimpont et Brocéliande constitue comme une sorte de vérité historique » et en 1835, elle fait pratiquement l’unanimité. À partir de la désignation de ce site, différents éléments qui le composent (rochers, mégalithes, fontaines, étangs) sont nantis de légendes liées au cycle arthurien.
Depuis les années 1980, d’autres théories postulent sa localisation près de Huelgoat, de Dol ou en Normandie, notamment près du Mont Saint-Michel. Celle de la forêt de Huelgoat entrant dans notre champ d’action, nous allons la détailler ici, d’après le livre de Thierry Jigourel sur les mystères du Finistère. Comme on trouve dans la dite forêt un endroit appelé camp du roi Arthur puis un autre censé être sa tombe, rien n’interdit de penser que Brocéliande pouvait s’étendre de Paimpont à Huelgoat, près de Carhaix. Les textes anciens évoquent la bataille de Carohaise (forme médiévale de Carhaix), capitale du roi Léo Dagan, où l’union d’Arthur et de Guenièvre aurait été bénie par l’évêque local. Les troupes du roi Arthur y affrontèrent leurs ennemis sous l’égide de Merlin et de sa bannière crachant des flammes. A l’issue de cette bataille, Merlin rejoint directement la forêt de Brocéliande qui semble donc être toute proche. A deux pas de Carhaix se trouve d’ailleurs toujours un village sur la commune de Paule, dont le nom s’écrit Bréssilien aujourd’hui mais qui auparavant s’orthographiait Brecilien (Brocéliande) avec une ancienne source sacrée, comparable à celle de Barenton et qui alimentait l’aqueduc gallo-romain acheminant l’eau vers Carhaix .

La forêt de Huelgoat LA MARE AUX FÉES
En forêt de Huelgoat se trouve un endroit où la rivière d’argent s’apaise, calme son cours et ralentit sa pente. C’est la mare aux fées où, une fois l’an, au solstice d’été, les fées tiennent conseil sous l’autorité de leur reine, afin de juger celles d’entre elles qui se sont montrées méchantes avec les hommes.
Chacune peut se défendre et y faire valoir ses droits mais les reconnues coupables devront rester un an au fond de l’eau jusqu’au prochain solstice.

LA MARE AUX FÉES (VERSION 2)
C’est le lieu de réunion de ces Dames des bois à Huelgoat. La reine occupe le plus haut rocher et les petites fées se placent sur les autres pierres.
Une fois l’an, la nuit de la Saint Sylvestre, elles tiennent séance plénière et celles qui ont désobéi à la règle des fées sont alors jugées. C’est ainsi qu’une .jeune fée accusée d’avoir parlé aux garçons du pays, fut jetée dans la Mare en punition de ce forfait. La fée est restée au fond de l’eau claire. Mais ceux qui cherchent à l’apercevoir sont irrésistiblement attirés vers la Mare et se noient.
Les fées d’Huelgoat sont dans la bonne tradition. Comme toutes leurs sœurs, elles se tiennent au bord de l’eau et se distraient en peignant à longueur de nuit leurs longs cheveux blonds, avec un peigne d’or. Aux heures nocturnes leur beauté est incomparable, mais de jour, ce ne sont que de vieilles femmes aux cheveux d’un blanc sale. Groac’h, boudig (dans les Monts d’Arrez) ou Korrigane, la Basse- Bretagne ne leur concède pas la bonté. Ce sont des jeteuses de sorts, amies des sorcières et de toutes les mystérieuses voleuses de beurre qui sévissent toujours dans la campagne de l’Argoat.

IMMEUBLE A KORRIGANS
Au coeur de la forêt de Huelgoat se trouve un immeuble à Korrigans. Il s’agit d’un amas rocheux aux multiples anfractuosités, le long de la rivière d’argent, qui sert de repaire à toute une tribu de ces célèbres lutins bretons.

LE GEANT KEOR DE HUELGOAT
A l’époque où les premiers missionnaires chrétiens arrivèrent en Bretagne, un saint personnage, nommé Herbot, vint établir son ermitage dans le lieu où est maintenant la chapelle qui porte son nom.
Or, il advint que les habitants de ce pays étant tous païens, le saint homme fut exposé à de cruelles persécutions. Mais rien ne pouvait ébranler sa constance ni diminuer son zèle pour la conversion des idolâtres. Au nombre de ses plus cruels ennemis était le seigneur du Rusquec, un des hommes les plus savants du pays, qui voyait avec dépit les progrès du missionnaire chrétien. Le seigneur du Rusquec avait parmi ses amis un géant énorme, nommé Kéor, qui lui était entièrement dévoué, parce qu’il l’avait soigné dans une grave maladie et qu’il avait réussi à lui rendre la santé.
Un jour, le savant païen s’en fut trouver le géant et lui dit : « Je suis fatigué d’entendre si près de moi la voix de ce chrétien maudit. Je veux qu’en reconnaissance du service que je t’ai rendu tu trouves le moyen d’empêcher le bruit de ses prédications et de ses cantiques d’arriver à mes oreilles. »
Kéor se mit aussitôt à chercher un moyen de se rendre agréable à son ami. Il est bon de dire que ce pays n’était pas alors ce qu’il est aujourd’hui. À la place où l’on voit les beaux bois du Rusquec, il n’y avait qu’une montagne aride, toute couverte de grands rochers qui rendaient la culture de la terre impossible.
Les géants ne brillent pas ordinairement par l’esprit, mais il paraît que celui-ci en avait plus que les autres, car voici ce qu’il imagina : « Je vais, se dit-il, enlever toutes ces grosses pierres qui rendent stérile la terre de mon bienfaiteur, et je les jetterai ensuite dans la rivière qui coule près de la maison de ce chrétien. Les eaux seront ainsi forcées de s’élever au dessus du barrage que formeront les rochers, et le bruit qu’elles feront en retombant sera assez fort pour couvrir la voix de l’ennemi du seigneur du Rusquec, à qui je rendrai de cette manière un double service. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. En quelques tours de main les rochers furent précipités dans la rivière, et les eaux, brusquement arrêtées par cette digue, y formèrent une cascade dont le bruit devait dominer la voix de l’homme de Dieu. Mais, par un de ces miracles si fréquents à cette époque, il arriva que le bruit de la chute d’eau, quoique perceptible dans toutes les autres directions, ne se fit pas entendre du côté de l’ermitage.
Les conversions augmentèrent de jour en jour. Dans cette lutte du paganisme contre la foi chrétienne, le géant Kéor et le seigneur du Rusquec furent vaincus. Ils périrent tous les deux de mort violente, et la croix fut définitivement plantée dans ce pays qui n’avait naguère pour habitants que des idolâtres. A un kilomètre de la chapelle de Saint-Herbot, sur le flanc d’une montagne aride traversée par la route, se trouvent les ruines d’une grande allée couverte connue dans le pays sous le nom de « Tombeau du Géant » (Be-Keor).

LE CHAMP HANTÉ
Dans la commune de Brennilis, près d’Huelgoat, il y a un champ. Si quelqu’un a, la nuit, le malheur de franchir les clôtures, il entend tout de suite le bruit d’une cloche d’argent. Les uns disent que c’est l’âme de celui à qui avait appartenu le champ, les autres disent que c’est une vache qui, ayant été foudroyée dans le champ même, vient y paître toutes les nuits et fait ce bruit de clochette.
Revue des traditions populaires 1907, n°3.

LE GOUFFRE DE DAHUT
Dans la baie de Douarnenez, la cité maudite s’est engloutie jusqu’au jour du Jugement.
Mais en Bretagne l’obsédance des légendes marines vous poursuit à travers les terres. Aussi, au pied de la grande route qui dévale d’Huelgoat vers Carhaix, un gouffre a écarté les rochers moussus. L’eau y mène grand bruit et prend une teinte de sang. C’est là que la tradition commune place l’endroit où Dahud faisait jeter ses amants d’une nuit.
Elle avait, dit-on, sur la butte le surplombant, son château, le Kastel-Guibel.
Ainsi au matin, il lui était fort simple de les « défenestrer » de belle façon. Et les gens du pays vous diront maintes fois avoir entendu dans le gouffre la plainte des amants.
De vieilles gens rapporteront un autre aspect de la légende.
De longs souterrains partaient de la ville d’Ys et débouchaient quelquefois à plus de trente lieues au centre de la Haute Cornouaille. La mer, après avoir submergé la cité de corruption, pénétra dans ces souterrains. L’un d’eux aboutit au gouffre du Huelgoat et le bruit que l’on y entend n’est pas seulement produit par la rivière mais aussi par les vagues qui s’en viennent jusque là.
Parfois dans les nuits claires, quand le torrent apaise un peu son vacarme, du gouffre monte une chanson. C’est Dahud changée en sirène qui chante :
« Dahud, breman Mari-Morgan, E skeud al loar, d’an noz, a gan »
( Dahud, maintenant Marie-Morgane, Au rayon de la lune, dans la nuit chante.)
Des gens dignes de foi affirment l’avoir vu dans les temps anciens. Long fantôme blanc, ses cheveux d’or dénoués, elle tend des bras de supplication. Elle voudrait échapper à la mer qui la tient. Mais elle est condamnée à demeurer là jusqu’à ce qu’une fille aussi jolie et aussi mauvaise prenne sa place.
Bernard De Parades

LE BELVÉDÈRE DE HUELGOAT
Les ruines du vieux château de Kastel-Guibel (note: l’endroit surplombe le gouffre et est appelé aujourd’hui belvédère) se voyaient encore à la fin du siècle dernier.
Elles avaient aussi leurs légendes. Toutes les nuits aux environs de la minuit, une ravissante jeune fille apparaissait sur les créneaux. Des jeunes gens voulurent la délivrer, mais dès qu’ils s’en approchaient, un hideux serpent s’enroulait trois fois autour du cou de la belle princesse. Trois fois l’affreuse bête les menaçait de son venin. Celui qui résistait à ce spectacle sans crier pouvait alors délivrer la jeune vierge et, pour le remercier, elle confiait un trésor valant à lui seul le prix de la Bretagne entière.
Kastell-Guibell a-dra-zur . A dall Breiz-izel en aour pur.
« kastel-ar-Gibell, c’est certain, vaut toute la Bretagne en or pur. »
BERNARD DE PARADES

La rivière d'argent de HuelgoatLA RIVIÈRE D’ARGENT DE HUELGOAT
Si la rivière du Fao troque son nom à partir du Chaos du Moulin pour celui de Rivière d’Argent, l’origine est à rechercher simplement dans ce plomb argentifère qui s’extrayait encore au siècle dernier à Huelgoat, et à Poullaouen.
Une légende marque le début de cette exploitation. Un soir, un homme» revenait de la forêt. Il longeait le ruisseau, lorsqu’il arriva à un endroit où les femmes lavaient à grands coups de battoirs. C’étaient les lavandières de nuit.
Ken na zeuy kristen salver
Red e gwelhî linser
Dindan an erh hag an aer
.« Jusqu’à la venue d’un chrétien sauveur, il faut laver notre linceul sous la neige et le vent. » Et les funèbres laveuses de l’entourer. L’homme savait sa dernière heure venue, lorsque la plus vieille femme lui dit : « Aide-moi à essorer ce linceul et tu sera riche pour le reste de tes jours ». L’homme savait que quiconque rencontrait les lavandières de nuit devait avoir bien soin de tordre le drap dans le même sens qu’elles.
La Groac’h vit bientôt qu’elle avait devant elle un homme averti et fidèle à sa parole, lui remplit les poches de pierres brillantes d’argent.
Rentré à Huelgoat, l’homme montra sa fortune et les mineurs accoururent.
Bernard de Parades

LE MIRACLE DES ANIMAUX
Pendant toute la durée de la messe de minuit, les animaux pouvaient parler. Malheur à l’imprudent qui chercherait à surprendre le secret de leur entretien, car celui-là sûrement, avant la fin de la fête, périrait de male mort.
Aucun animal ne dort pendant la nuit de Noël, si ce n’est l’homme et le crapaud. A l’île de Sein, on substitue à ce dernier le corbeau.
Dans quelques localités, à Huelgoat, par exemple, on faisait cuire, à l’occasion de la messe de minuit, une fournée de pain pour les animaux domestiques. Aucun d’eux, à quelque race qu’il appartienne, ne devait être oublié dans la distribution, autrement il lui arriverait malheur.

LEGENDAIRE DES MINEURS D’HUELGOAT
Une légende marque le début de l’exploitation du plomb argentifère qui s’extrayait encore au XIXème siècle à Huelgoat et à Poullaouen.
Un soir un homme revenait de la forêt. Il longeait la rivière d’argent lorsqu’il arriva au milieu de la nuit à un endroit où des femmes lavaient du linge à grands coups de battoir. L’homme comprit tout de suite qu’il avait à faire à des lavandières de la nuit.
Et les funèbres laveuses de l’entourer. L’homme croyait sa dernière heure arrivée lorsque la plus vieille lui demanda de l’aider à essorer le linceul qu’elle était en train de laver. L’homme savait qu’il fallait tordre le linge à essorer dans le même sens que la lavandière sous peine d’être emmené en enfer. La lavandière vit qu’elle avait en face d’elle quelqu’un « qui savait ». Elle le libéra en lui remplissant les poches de petites pépites d’argent qu’elle prit dans la rivière. La mésaventure de l’homme attira des mineurs qui commencèrent l’exploitation des mines d’argent.
Ces mines où vivait un lutin : le petit mineur. Les mineurs le connaissaient bien : quand il frappait sa manette sur le fleuret, c’était signe de travail fructueux, mais lorsque les mineurs entendaient le bruit de sa hache, c’était l’annonce d’un accident.

Statue de St TrémeurLA LEGENDE DE TREMEUR
En l’an 515, une tribu de Cornouaille en Angleterre prit la mer avec armes et bagages pour s’installer à Carhaix. Elle avait pour chef le Grand Conan ou Conomor, qui se proclama roi du pays. Vers 546, il épousa la belle Triphine, fille de Werok, roi du pays de Vannes et se mit à la persécuter pour obtenir rapidement l’héritage de son père. Il finit par la tuer près de Gouarec alors qu’elle lui apprenait qu’elle était enceinte.
Saint Gildas se rendit sur les lieux et la ressuscita. Elle donna naissance à un enfant qui sera baptisé Trémeur. Dix ans plus tard, Conan retrouve Trémeur et le fait décapiter.
Béatifié puis canonisé, on peut voir la statue de ce dernier sur la façade principale de l’église de Carhaix. Puisqu’il était décapité, il était invoqué pour lutter contre les maux de tête.

LE SOUTERRAIN DE CARHAIX
Carhaix est décidément une ville particulière.
A la fin du XVIIe siècle, on faisait mille contes sur le souterrain de Carhaix qui n’est autre qu’un ancien aqueduc: c’était la demeure des démons et une retraite où les hommes se retiraient à l’approche de l’ennemi.
Ceux qui prétendaient l’avoir examiné jadis déclaraient qu’il était fermé par de grandes portes de fer couvertes de visages grimaçants et effrayants. On y trouvait un port donnant sur un océan intérieur qui menait au pays des morts.

LA PISTE DE TRISTAN A CARHAIX
A la fin du XIème siècle, Eilhart d’Olberg, un poète allemand écrit son roman « Tristan », inspiré du roman de l’anglo-normand Béroul, « Estoire de Tristan ».
Dans cette version allemande du roman de Tristan, le héros quitte la cour d’Arthur et, après avoir traversé la mer, chevauche sept jours et sept nuits jusqu’à la ville de Karahès, assiégée par Riol, le comte de Nantes. Le roi de Karahès accepte l’aide de Tristan qui combat Riol en duel et gagne. tristan obtient en récompense la main d’Isalde (Iseult?), la fille du roi Hovelin de Karahès, Hovelin étant peut-être une variante de Hoël, comte de Cornouaille.
Tiré du livre « 1200 lieux de légende en Bretagne » par B.Rio aux éditions Coop Breizh.

LA DANSEUSE DE CORNOUAILLE
MARIE-ANNE Lagadou était la reine des danseuses de toute la Cornouaille. Il fallait la voir les jours de pardon à Carhaix. Sitôt que binious et bombardes avaient jeté leurs premières notes du haut de leurs perchoirs champêtres, un frémissement lui courait dans le corps, et ses pieds, d’eux-mêmes, battaient la mesure. Le premier cavalier qui se présentait était le bienvenu. Il était assuré d’un regard de reconnaissance quand il lui prenait le petit doigt pour l’entraîner dans la ronde, et volontiers elle l’aurait accompagné de jour et de nuit à travers les dérobées, les jabadaos et les bals bretons les plus compliqués, les laridées les plus interminables. Si les sonneurs étaient à bout de souffle, c’était elle qui menait la danse en chantant. Elle avait un gosier de fer qui ignorait la fatigue.
Elle dansa tellement cependant, la pauvre Marianne, qu’un jour elle tomba malade. On appela M. le Recteur.
— Je vois bien, dit le saint homme, que le bon Dieu est las de votre vie déréglée. Il va vous convoquer à son redoutable tribunal. Néanmoins, comme êtes au fond une honnête fille et que vous vous repentez de vos fautes, j’espère qu’il vous fera miséricorde et que vous en serez quitte pour quelques heures de purgatoire.
— Quelques heures de purgatoire ! Monsieur le Recteur, répondit Marie-Anne indignée, la danse est chose permise en pays de Cornouaille. N’ayez crainte, je me tirerai bien d’affaire. Je suis Cornouaillaise. Je ne ferai même pas une minute de pénitence.
Ce jour-là de grand matin, Saint Pierre était à son poste de gardien dans sa loge de concierge du Paradis. Il avait encore les yeux chargés de sommeil et, d’un air distrait, il récapitulait les entrées de la veille, lorsqu’il lui sembla qu’on grattait à la porte.
— Qui va là? s’écria-t-il de sa grosse voix de marin habitué à dominer la tempête.
— C’est moi, répondit une voix douce et menue comme un son de flûte.
— Qui ça, moi?
— Marianne Lagadou, de Cornouaille, donc !
Le saint entrouvrit la chatière avec mille précautions et recula de surprise. Devant lui se tenait une jeune fille ravissante de beauté, aussi fraîche qu’un bouquet de roses et vêtue comme la plus belle héritière de là-bas : souliers à boucles d’argent, tablier de couleur semé de perles, corsage encerclé de velours, manches garnies de dentelles, coiffe blanche, aux ailes papillonnantes agrémentées de fines broderies.
— Oh ! Oh ! la belle, s’écria-t-il, je vois que vous tenez à faire une entrée sensationnelle parmi les habitants de ce lieu, Marie-Anne Lagadou ? Mais au fait, j’ai entendu prononcer ce nom hier. Oui, j’y suis, la danseuse de Cornouaille! Eh bien ! ma fille, j’ai vu mettre votre cas dans la balance et il vous a été infligé deux mois de purgatoire que vous devez subir avant de franchir ce seuil. Tenez, ne vous trompez pas, c’est la route qui prend à droite et qui va toujours à l’ouest.
En entendant ces paroles, dans lesquelles perçait une. légère pointe de raillerie, Marianne éprouva un mouvement de mauvaise humeur, sans toutefois en rien laisser paraître.
— Deux mois de purgatoire, répliqua-t-elle, dame ! Monsieur saint Pierre, c’est bien long. Puisque vous me le dîtes cependant, j’obéirai, mais je vous en prie, laissez-moi auparavant jeter un coup d’oeil à l’intérieur pour contempler un peu les bienheureux. Il me semble que cela me donnera du courage pour accomplir mon temps.
— S’il ne vous faut que cela, reprit saint Pierre qui se laissa séduire par la bonne mine et l’amabilité de la cornouaillaise, et lui ouvrit la porte.
Timidement Marie-Anne avança la tête et poussa un cri de surprise,
— Monsieur saint Pierre, Monsieur saint Pierre ! j’aperçois là-bas au bout, ma tante Yvonne Penkam. La pauvre défunte, Dieu a eu son âme, car nous avons fait célébrer tant d’obits pour elle par Monsieur le Recteur ! d’ailleurs ce n’était pas une méchante langue du tout. A propos, Monsieur saint Pierre ! Ma mère, je me rappelle bien, ma chargée justement d’une commission pour elle et, vous le savez bien vous-même, on ne doit jamais désobéir à sa mère, cela porte malheur !
— C’est bien vrai, répondit le saint, je trouve que vous parlez bien. Je veux donc vous laissez entrer, mais à la condition que vous marchiez à reculons et que vous ne regardiez pas autour de vous. Vous n’avez pas encore le droit de jouir du bonheur d’ici.
— Je ferai tout ce qu’il vous plaira, grand saint, promit Marie-Anne, qui, d’une enjambée, franchit le sacré parvis et se mit en mesure de contempler chaque objet, en s’arrêtant à chaque pas.
Saint Pierre l’avait suivie par derrière:
— Voyons, Marie-Anne Lagadou, m’est avis que vous oubliez singulièrement votre promesse.
— Vous oubliez aussi quelque peu votre devoir, riposta Marie-Anne ; la place d’un concierge est près de la porte. Il ne convient pas qu’il accompagne les visiteurs à travers les salons, ou dans les allées du parc, les jeunes filles en visite.
En entendant ces mots, saint Pierre demeura interdit:
— Je n’avais pas reçu encore pareille leçon d’une femme, murmura-t-il, et tout confus il retourna à son poste. Il rencontra le grand Saint Malo qui récitait ses Heures en se promenant, et il lui confia l’affaire.
— Ah ! il s’agit d’une ruse, s’écria le vieil évêque ; je connais cela. Appelez là-bas sur la route, hors du Paradis, les maîtres joueurs de biniou et de bombarde, et à la première mesure, vous verrez ce qui se passera. Cette femme n’est pas une vraie Cornouaillaise, si elle ne se précipite pas dehors à l’instant.
Saint Pierre appela les musiciens, et bientôt on entendit une musique gaie et si entraînante que tous les habitants du céleste séjour accoururent à la balustrade. Mais surtout les élus dû pays de Cornouaille se pressaient contre la porte, tous prêts à la franchir. Quant à Marie-Anne, elle sauta d’un bond hors du Paradis, et se mit à danser sur la route, insouciante désormais de partager les joies des bienheureux. Saint Pierre se frottait les mains d’un air ravi et narquois, et l’encourageait à continuer ses ébats.
Lorsque la pauvre fille fut à bout de forces, essoufflée par la danse, Saint Pierre lui cria :
— Eh bien, j’espère que vous en avez assez pris pour une fois, et que cela vous donnera du courage pour supporter vos deux mois de Purgatoire. A bientôt, ma fille ; mais .surtout ne vous trompez pas de direction : toujours à l’ouest.
Ayant ainsi parlé, il ferma la porte au nez de la belle danseuse. Marie-Anne s’éloigna d’un air penaud, se rappelant que si les Cornouaillais sont des finauds, il pouvait leur arriver quelquefois de trouver des gens aussi malins qu’eux.
(Conté par Jeanne Garlès) HENRI GENET. 1912.

L'enchanteresse Ahès AHES L’ENCHANTERESSE
L’enchanteresse Ahès est la plus puissante enchanteresse de Bretagne. Elle est souvent confondue avec Dahut la fille du roi Gradlon, mais en fait elle était la fille d’un des premiers rois de Bretagne, Conan Mériadec, arrivé en Cornouaille. C’était une princesse choyée par son père qui la tenait enfermée dans son palais pour la protéger du monde extérieur. L’année de ses quinze ans, elle parvient à s’échapper et se promène dans la ville que son père a fait construire pour elle : Carhaix (qui vient de Ker-Ahes ou foyer d’Ahès en breton).
Découvrant le monde, tout l’émerveillait jusqu’à ce qu’un oiseau tombe mort à ses pieds. Elle ne savait pas ce qu’était la mort. Les gardes de son père la retrouve et la ramènent au palais. Lorsqu’elle demande à ses serviteurs ce qu’était la Mort et qu’ils lui révèlent que tout le monde meurt un jour ou l’autre sans possibilité d’y échapper, elle est désespérée. Son père fait venir tous les médecins de son royaume pour tenter de lui redonner la joie de vivre. Comme ils se déclarent impuissants, il fait venir tous les magiciens. Ces derniers lui avouent qu’ils ne savent pas non plus comment guérir la mélancolie. Toutefois, comme la guérison ne peut venir que de la jeune fille elle-même, ils proposent au roi de l’initier chacun à leur magie. Ahès accepte et devient ainsi celle qui connaît tous les secrets de tous les magiciens de Bretagne, ce qui fait d’elle l’enchanteresse la plus puissante.
Elle s’emploie à améliorer le quotidien des sujets de son père en construisant des routes pavées ou de gigantesques murailles en l’espace d’une seule nuit. Le temps passe et sachant son heure toute proche, Ahès ensorcèle un poirier dans la cour de son château afin que quiconque y monte pour cueillir un fruit s’y retrouve bloqué à moins qu’elle ne lui donne la permission de redescendre. Lorsque l’Ankou vient la chercher pour l’emmener, elle lui demande comme dernière volonté, d’aller lui cueillir une poire dans son poirier préféré. L’Ankou accepte et se retrouve piégé dans l’arbre.
Ahès lui révèle son stratagème et propose de le libérer en échange de l’immortalité pour elle. L’Ankou refuse. Ahès est née mortelle, elle devra donc mourir. Toutefois, reconnaissant sa prise au piège, il propose à la princesse de ne venir la chercher que lorsqu’elle-même l’appellera. Ahès accepte.
La tradition veut qu’elle n’a toujours pas appelé l’Ankou et qu’elle continue de déambuler selon ses humeurs. On la voit parfois, changeant d’apparence au gré de ses envies. Certains soirs dans la brume de rues de Carhaix qui disparaissent au petit matin, elle erre, exauçant un voeux pour chaque personne méritante qu’elle rencontre. Anatole Le Braz a, quant à lui, recueilli un récit qui la place dans la grotte de Morgat de la presqu’île de Crozon où elle est devenue une Mary-Morgan. Elle apparaît parfois aux pêcheurs en émergeant de l’eau, entièrement nue, sa nudité protégée par ses cheveux coiffés en une natte qui s’enroule autour d’elle comme un vêtement.

SAINT THELEAU
Saint Théleau, évêque au pays de Galles, décida d’accompagner ses ouailles quand ceux-ci décidèrent de venir s’installer en Armorique pour fuir une épidémie de peste. Le seigneur du Castel Gall voulut bien l’accueillir et lui donner des terres, celles qu’il pourrait parcourir en une nuit jusqu’au chant du coq.
St Théleau sortit et siffla. Un cerf sortit alors de la forêt et s’offrit comme monture afin que le saint puisse parcourir le plus de terre possible pour son nouvel évêché. Voyant le subterfuge, le seigneur de Castel Gall fit chanter ses coqs au milieu de la nuit avant que la saint chevauchant son cerf ne lui prenne toutes ses terres.
Le sarcophage du saint est toujours devant son église de Landeleau.
D’après « Légendes de l’Argoat » de B. de Parades.