Les contes et légendes du Cap Sizun

Le Cap Sizun, qui va des baies d’Audierne et de Douarnenez jusqu’aux pointes du Raz et du Van est une « terre sorcière »

La pointe du RazLA BUÉE QUI SORT DE TERRE
Dans la région de Pont-l’Abbé et du Cap Sizun, la buée qui sort de terre après la pluie et prend les couleurs de l’arc-en-ciel provient d’un trésor caché qui s’approche de la surface du sol pour se sécher au soleil. Lorsqu’on l’aperçoit, il faut courir jusqu’à l’endroit concerné et y jeter quelque chose de béni pour empêcher le trésor de s’enfouir sous la terre.

LA BAIE DES TRÉPASSÉS
Dans la baie des Trépassés à l’extrémité du Cap Sizun, les âmes des noyés s’élèvent sur le sommet de chaque vague et on les voit courir à la lame comme une écume blanchâtre et fugitive.
Toutes celles qui habitèrent le pays et eurent les flots pour linceul se rencontrent en cet endroit. Chaque vague qui passe porte une âme, cherchant partout l’âme d’un frère, d’un ami ou d’une bien-aimée.
Quand elles se rencontrent face à face, elles jettent ensemble un triste murmure et passent, forcément entraînées par les flots qu’elles doivent suivre. Quelques fois aussi un bruit confus et prodigieux frémit sur la Baie, mélange inexplicable de doux soupirs, de rauques gémissements, de cris plaintifs qui sifflent sur la houle. Ce sont les âmes qui conversent et racontent leur histoire.

Une sirène MARIE DU CAP
Au Cap Sizun, une sirène paraît assez fréquemment auprès des bateaux; elle annonce toujours la tempête, et on lui donne le nom de Marie du Cap.
Beaucoup de pêcheurs prétendent avoir vu au moins une fois une ou plusieurs sirènes. Elles sont belles comme le jour et leur occupation favorite semble être de démêler leur longue chevelure blonde ou noire avec un peigne d’or.
On vante aussi la douceur pénétrante de leur voix, la puissance de leur séduction de leurs chants: elles connaissent de merveilleuses chansons, les airs d’autrefois sur les grands équipages et les rois de Bretagne mais aussi les merveilles des fonds des océans, qui feraient oublier père, mère, femme et enfants si on s’attardait à les écouter.


LES CORRIKS
Aux environs du Cap Sizun des lutins, autres que les korrigans appelés « Corriks » sur place, se promenaient le soir sur la lande et sur les dunes en prenant l’apparence de feux errants.
Ils cherchaient à attirer les voyageurs imprudents hors des sentiers battus, vers des marais où ils se noyaient.

LES KRIERENS
Bien que leurs cris soient importuns, plusieurs âmes en peine semblent avoir de bonnes intentions à l’égard des vivants, et tout en implorant un peu de terre sainte ou des prières, elles les avertissent de prendre garde au mauvais temps.
Dans la région du Cap Sizun, en face de l’île de Sein, on dit actuellement que les noyés adoptent un cantonnement, où ils crient le soir et le matin, surtout, quand le temps est menaçant. Ce sont les Chouerien, les Crieurs. Ils font quelquefois si grand tapage qu’on ne peut pas habiter près de ce lieu. Il sont invisibles mais parfois, cependant, ils prennent l’apparence de naufragés.
Les Chouerien-Porzen se trouvent dans une petite crique au sud-ouest de Lescoff, près du sémaphore de la pointe du Raz. On a compris quelquefois leurs cris « Ho! la la ! tenna ar bagou da sec’ha! » (Ho la la tirez les bateaux au sec). Bon conseil à l’approche de la tempête. On les a vus quelquefois monter la falaise ils sont sept, marchant toujours à la file. Ils ne font pas de mal, mais assourdissent.
La nuit, les damnés qui habitent le gouffre de Belangenet près de Clohars, creusé par le Diable pour y noyer les âmes des méchants, font également entendre des rugissements continuels.

LA SORCIÈRE ET LE LOUP
Au XIIIe siècle , une femme du Cap-Sizun vit entrer dans sa maison, dont toutes les portes étaient closes, une sorcière vampire à laquelle un loup servait de monture. Elle put l’asperger d’eau bénite, la faisant s’enfuir en fracassant la porte d’entrée.

LES CHATS NOIRS
En Cornouaille, particulièrement dans le Cap Sizun ou aux environs de Gourin, il arrivait qu’à minuit à un carrefour on rencontrât un chat noir.
C’était le diable qui avait pris cette forme pour garder un de ses nombreux trésors. Pour l’obtenir, il fallait se vendre à lui et passer un contrat signé avec le petit doigt de la main gauche. On lui appartenait alors après sa mort.
Toutefois il était possible de lui échapper: ses marchés étaient inscrits sur son cahier mais il n’avait un droit incontestable qu’à chaque neuvième inscription. Pour lui enlever son argent sans risquer la damnation, il fallait se munir d’une fourche de caudrier, de la pousse de l’année, d’une poule blanche sans tache et de l’herbe d’or. Au carrefour on lâchait la poule, le chat noir courait après, la poule se sauvait et l’herbe d’or montrait où se trouvait le trésor. Il n’y avait plus qu’à le déterrer avec la fourche.

La lune sur la mer LES LUNES DE CORNOUAILLE
En Cornouaille, nous avons plusieurs lunes.
Dans le Cap Sizun, s’en trouve une qui, probablement, ne luit qu’à la pointe du Raz.
Celle-ci est une lune calme, grave, sévère, à la lueur égale ; «une lune bonne mère», remplissant consciencieusement ses fonctions : celles d’éclairer, durant la nuit, les travaux de la récolte.
Elle sait que lorsque la moisson commence, les jours ont déjà diminué, alors qu’on les voudrait les plus longs.
Eh ! bien, pour venir en aide, aux laboureurs, pendant la moisson, cette lune, la lune d’août, reste sept semaines sur l’horizon, au haut du ciel, sans bouger de place. Mais, comme elle est aussi bonne sœur, et qu’elle ne veut, en rien, déranger la marche de ses cadettes, cette lune du Cap, les sept semaines finies, reprend, d’un bond, sa place, parmi les vieilles lunes. Par exemple, on ne l’a jamais vue en route.
Cette légende m’a été contée par Lemm Ansquer, un vieux bonhomme d’Audierne.

LA SEMAINE BLANCHE .
La Semaine-Blanche, ar Zeûn-Ven, commence à la Pentecôte et finit à la Trinité. On l’appelle ainsi parce qu’au prône du dimanche le prêtre ne cite, pour la semaine, l’office d’aucun saint.
Cette particularité, qui la distingue des autres semaines de l’année, donne à la Semaine Blanche une influence générale sur les choses de la nature. Pendant la Semaine Blanche, les simples acquièrent toutes leurs propriétés.
Les juments qui n’ont pas gardé, recherchent l’étalon.
Les crabes, langoustes, homards et autres crustacés quittent la haute mer et gagnent les basses de l’île de Sein, où ils restent à sec après le déchal.
Le beurre, ribotté sans eau et travaillé sans sel, se conserve frais indéfiniment. Ce beurre est une panacée universelle. Il guérit surtout les plaies et les blessures. Rares sont les maisons du Cap-Sizun où l’on n’en garde une écuellée. Lasalle, de l’Opéra, lors de son accident sur les rochers de la pointe du Raz, en septembre 1888, aurait trouvé, à Lescoff, village extrême du Cap, vingt pots du beurre de la Semaine Blanche, pour guérir infailliblement son mal.
Pendant cette semaine, tous les travaux des champs doivent être suspendus. On peut seulement préparer la nourriture des bêtes et des gens. Car, si la Semaine Blanche influe favorablement sur les choses de la nature, elle est néfaste pour les labours. Le froment sarclé durant cette semaine devient noir. Les pommes de terre buttées se creusent, les vers s’y mettent. Le chanvre semé pousse à bois, sans écorce. Le sarrazin forme des têtes blanches, pennouguen, sans grains. Le fumier transporté des étables aux champs renferme, lorsqu’on l’emploie, plus de couleuvres, de crapauds, de lézards et de sourds que de brins de paille.
Ce sont là les phénomènes ordinaires d’un printemps humide et chaud. Les Capistes (habitants du Cap Sizun), observateurs attentifs, sont enclins, avons-nous souvent constaté, à donner aux choses les plus simples des causes surnaturelles ou mystiques. De là toutes ces attributions, heureuses ou néfastes, de la semaine de la Pentecôte, la Semaine Blanche, qui arrive toujours au milieu du printemps.
H. LE CARGUET.
Revue des traditions populaires 1891/ n°6

LES ENFANTS MAUDITS
Certaines conditions de naissance pouvaient parfois prédisposer à certains pouvoirs magiques. Autrefois au Cap Sizun, on se méfiait des enfants dont la mère était morte en couches ou de ceux qui séjournaient sous le porche d’une église sans avoir reçu le baptême. remettre les enfants au sein quand ils avaient été sevrés (en cas de famine par exemple) les prédisposaient aussi à jeter des sorts.

LA CHANCE A LA FOIRE
Au cap Sizun, on entendait encore cette phrase sur les marchés dans les années 60 entre des paysans qui négociaient: « Lakit eun dra bennag ouspenn pe ne po ket chans », mettez quelque chose en plus ou vous n’aurez pas de chance.

DES MALÉDICTIONS LANCÉES SUR LE BÉTAIL
Au XIXème siècle, dans le Cap Sizun, on jetait une malédiction sur le bétail en enterrant des vases maléfiques contenant des plantes ou « le dard de la vipère, l’œil gauche du crapaud et du corbeau, la tête et la queue d’un lézard » sous le seuil des étables ou dans les pâturages. Un crapaud enterré dans un poulailler empêchait aussi les poules de pondre.

PROTECTION DES ANIMAUX
Dans le Cap Sizun, les règles de civilité s’appliquaient aux animaux. en entrant dans une étable, les gens disaient « Doue ho pennigo! » pour que les bestiaux ne subissent pas le mauvais œil. De même quand une jument mettait bas, le breton murmurait « Sant Alar » (Saint Eloi) pour éviter un sort sur le poulain.

L’INFLUENCE DE LA LUNE
Il était admis en Cornouaille que la lune pouvait engrosser les femmes qui lui montraient leur postérieur (en sortant la nuit pour uriner par exemple) surtout lorsque la lune était « cornue » (croissant). Les enfants ainsi engendrés étaient bizarres et changeaient souvent d’humeur. Voilà pourquoi ils furent qualifiés de lunatiques. Au Cap-Sizun, même les hommes devaient se cacher de la lune pour uriner car si elle voyait leurs attributs, elles faisaient une grimace et leur semence n’engendrait que des idiots.
Enfin, toujours selon la tradition, l’enfant né avec la nouvelle lune périra de mort violente.

Procession des anaonsLES MORTS DE LA BAIE DES TRÉPASSÉS
Le jour des Morts dans la baie des Trépassés au bout du Cap Sizun, les âmes des noyés s’élèvent sur le sommet de chaque vague et on les voit courir à la lame comme une écume blanchâtre et fugitive.
Toutes celles qui habitèrent le doux pays et eurent les flots pour linceul se rencontrent en cet endroit. Chaque vague qui passe porte une âme, cherchant partout l’âme d’un frère, d’un ami ou d’une bien aimée. Quand elles se rencontrent face à face, elles jettent ensemble un triste murmure, et passent, forcément entraînées par le flot qu’elles doivent suivre. Quelquefois aussi un bruit confus et prodigieux frémit sur la baie, mélange inexplicable de doux soupirs, de rauques gémissements, de cris plaintifs qui sifflent sur la houle. Ce sont les âmes qui conversent et racontent leur histoire.


PRÉSAGE DE MARIAGE A LA FONTAINE
Au Cap Sizun des jeunes filles jetaient des épingles dans la fontaine de sainte Eveth pour savoir si elles se marieraient dans l’année. Si l’épingle surnageait, le oui sacramentel serait bientôt prononcé. Si elle allait au fond, elles avaient encore un petit espoir. La source, qui est très forte, rejetait quelquefois l’épingle hors de la cupule creusée dans la dalle.
Il y avait des accommodements pour les plus malines : elle enduisait l’épingle de beurre ou la posait dans leurs cheveux. L’épingle graissée surnageait alors un peu de temps avant de s’enfoncer.

TRADITIONS LIÉES A L’ARC EN CIEL
Au contraire de la tradition biblique, l’arc-en-ciel, dans la croyance de la population maritime du Cap-Sizun et de l’Ile de Sein, est toujours un mauvais présage. C’est un signe de violentes perturbations atmosphériques qui peuvent déterminer les plus grands cataclysmes. Aussi est-il de toute nécessité de le conjurer.
Sur mer, on ne peut rien contre lui. Il est au-dessus de l’élément qu’il a pour office d’aspirer. Il pompe sans cesse et détermine grains, rafales, coups de vent qui arrivent subitement. Le marin n’a que le temps d’amarrer ses drisses pour parer le coup.
A terre, au contraire, on coupe l’arc-en-ciel en traçant des croix sur le sol ou en érigeant des pierres.

L'habitant de la luneLES HABITANTS DE LA LUNE
Généralement, dans le Cap-Sizun, il était dit qu’on y voyait un voleur avec un faix de lande sur le dos. Ce voleur était venu voler de la lande sur la montagne de Bon-Voyage, brûlée des vents, et où la lande est si rare. Il fut pris et conduit devant Monsieur le Maire.
« C’est toi qui as volé cette lande? » lui demanda le magistrat.
Dénégation du voleur.
Personne ne l’avait vu. Mais voyant qu’on allait lui faire un mauvais parti, il prit la lune à témoin :
« Que la lune m’avale, si j’ai volé cette lande ! » s’écria-t-il.
Mais aussitôt la lune descendit du ciel et engloutit le voleur.

LES HABITANTS DE LA LUNE (autre version)
Généralement, dans le Cap-Sizun, il était dit qu'on y voyait un voleur avec un faix de lande sur le dos. Ce voleur était venu voler de la lande sur la montagne de Bon-Voyage, brûlée des vents, et où la lande est si rare. Il fut pris et conduit devant Monsieur le Maire.
« C'est toi qui as volé cette lande? » lui demanda le magistrat.
Dénégation du voleur.
Personne ne l'avait vu. Mais voyant qu'on allait lui faire un mauvais parti, il prit la lune à témoin : « Que la lune m'avale, si j'ai volé cette lande ! » s'écria-t-il.
Mais aussitôt la lune descendit du ciel et engloutit le voleur.
A Plogoff, le vieux recteur, M. Yven, était un homme des plus savants qu'on puisse trouver. Voyant la lune toute grande poindre entre les ormes, au bout de son allée, une visiteuse lui demanda ce qu'on pouvait bien y voir.
- Le voleur de lande ! répondit son vicaire.
- Non! répliqua M. Yven. J'ai vu la lune ailleurs que dans le Cap, et je sais ce que c'est. Voyez-vous, d'abord, cette montagne au milieu ? Sur cette montagne, un homme et une femme habillés l'un en bruger, avec un bragou-bras, l'autre en bigoudenne, avec sa coiffe sur la tête ? Eh bien, ce sont Adam et Eve qu'après leur mort Dieu a ainsi placés dans la lune, pour nous rappeler notre origine et on les voit avec le costume qu'ils avaient dans le paradis terrestre : Adam, avec un bragou-bras fait en feuilles de figuier, et Eve, avec une feuille du même arbre sur la tète, le pied de la feuille en l'air, comme la pointe de la coiffe bigoudenne. »

LE CIEL ET LES ASTRES DANS LE CAP SIZUN
On trouvait, dans le Cap-Sizun beaucoup d’hommes savants (Savant, dans le Cap-Sizun, signifie plutôt un homme ou une femme de belle prestance, ce qui n’exclue pas l’esprit. Le sens attaché au mot savant est : Mens sana in corpore sano), qui savent tout aussi bien ce qui se passe sur la terre, que sous la mer et dans le ciel.
Ils vous diront, entre autres choses, que le ciel, tout comme la terre, est fait de montagnes et de vallées couvertes de forêts et d’herbe. La couleur du ciel l’indique bien : Glaz (En breton, le vert des prés, le bleu du ciel et la teinte de la mer se traduisent par le même mot: Glaz. La couleur verte ne s’énonce pas en breton.)
Les astres que nous voyons au-dessus de nos têtes, ne sont pas suspendus ; il sont posés sur le ciel et marchent comme les bêtes qui cheminent dans un pré. Les pêcheurs disent comme les bateaux qui glissent sur la mer. C’est l’air du temps, aer an amzer, qui les maintient ainsi appliqués. Cet air sort de la terre et monte vers le ciel, par sa propre force. Il est comme le vent de la Pointe du Raz, qui vous jette et colle à terre sans que vous l’aperceviez.
Les étoiles sont comme des éclairs dont la flamme est toujours en mouvement. Celles que l’on voit filer sont des étoiles qui se détachent du ciel pour franchir une montagne qui leur barre leur route. Quand elles ne retrouvent pas cette route, au-delà de la montagne qu’elles viennent de franchir, elles tombent sur la terre ou dans la mer, car la force qui les maintenait s’exerce alors de biais.
Les comètes paraissent tous les sept ans. On en distingue plusieurs qui reviennent à époques fixes.
Cela doit être vrai puisque les gens savants du Cap le disent. Mais nos anciens sont morts sans avoir pu le voir au juste. Nous, à notre tour, nous vieillirons et nous ne serons pas plus sûrs qu’eux. Une chose seule est certaine, c’est que les étoiles sont les âmes des morts qui sont entre les mains de Dieu, pour être conduites à une destinée heureuse. On les voit marcher, du soir au matin, sur la route qu’elles ont à suivre pour aller en paradis. Quand on voit une étoile quitter sa place et courir vite à travers le ciel, c’est une âme délivrée par nos prières et qui a hâte d’arriver à la place qui lui est marquée dans le paradis.

LE PURGATOIRE DES DISPARUS EN MER
On prétend que le purgatoire des disparus en mer est situé sur les côtes sud du Cap Sizun.
Selon Anatole Le Braz, il faut se rendre à l’anse du Loc’h entre le coucher du soleil et le chant du coq la veille de novembre, pour voir l’eau se hérisser de milliers, de millions de têtes, voir luire des prunelles angoissées, voir se tendre les bras suppliants de ceux que la mer a pris et dont elle n’a pas voulu restituer les cadavres.
C’est un spectacle à vous rendre fou. tout au plus ces pauvres âmes grelottantes pourront-elles se hisser jusqu’aux tas de varechs dont les brûleuses auront eu soin d’attiser la flamme.

LA BARQUE DE ST CONOGAN
A Beuzec-Cap-Sizun, une roche isolée affectant la forme d’un bateau, complètement détachée du sol et ne reposant que par quelques points sur une pierre plate, comme un navire sur son chantier, est le bateau sur lequel St Conogan traversa la mer.

LA CHAPELLE ST THEY
Sur la commune de Cleden Cap Sizun se trouve cette chapelle qui domine la baie des trépassés et a la particularité de d’actionner sa cloche sans l’aide de quiconque pour avertir les pêcheurs lorsque la tempête menace. Les femmes des marins qui partent en mer viennent y déposer des maquettes des bateaux de leur mari afin de les placer sous la protection du saint.

POUR SE DEBARASSER DE LA MALCHANCE
A bord des bateaux la malchance, ou Bosj, peut durer des semaines ou des mois. Pour la conjurer il faut voler quelque chose sur un bateau chanceux. La malchance sera transférée sur lui. La Bosj est un lutin qui loge toujours à la proue d’un navire. Pour la faire partir, il faut l’enfumer en faisant brûler du liège ou de la paille humide.
Les femmes du Cap Sizun faisaient souvent porter des louzous à leurs hommes pour conjurer la malchance. Pobet coz, un vieux marin d’Audierne en avait un cousu à son insu par sa femme dans la doublure de sa vareuse. Il prit beaucoup plus de poissons que les autres pêcheurs jusqu’à ce que sa doublure se troue et que le louzou tomba dans la mer. Dès ce moment, sa chance cessa et il prit autant de poissons que n’importe quel autre pêcheur.

LA PROCESSION DES ANAONS DE LA MER
Une fois, un équipage avait vu une brume épaisse courir sur la mer. Il était sur son lieu de pêche dans le raz de Sein, à proximité de la pointe du Raz. Dès que la brume a avalé la barque, le bout-dehors (sorte de mât prolongeant l'avant du navire) a plongé d'un coup comme s'il était attiré par un grand poids. le capitaine s'est avancé pour regarder et tout le bateau s'est enfoncé alors qu'il n'y avait pas une once d'eau dans les cales. une plainte s'est élevée autour d'eux. Deux mains ont saisi le bordage puis quatre, puis six , puis dix, une foule de mains. D'autres se sont dressées par milliers sur la mer. Le navire croisait la procession des trépassés de la mer. les hommes se sont resserrés autour du mât. Le capitaine a crié:
" Si vous voulez des prières vous en aurez, mais éloignez-vous des vivants!"
Devant son équipage tétanisé, il a hissé une voile pour dégager la bateau au vent. Le navire a frémi et a commencé à se frayer une route. Les mains ont commencé à lâcher, mais les gémissements se sont déchaînés.
"Tirez les rames et souquez ferme!" a crié le capitaine.
A peine plongées dans l'eau, les rames se sont empêtrées dans une sorte d'épais goémon. C'étaient les chevelures des femmes noyées dont les corps livides flottaient à la surface de l'eau.
Un jeune mousse est tombé à l'eau en voulant dégager la sienne. Personne n'a rien vu, rien entendu, tout s'est passé très vite.
Ils n'ont réalisé que lorsqu'ils sont arrivés au port d'Audierne au milieu de la nuit. Tous avaient les cheveux dressés sur la tête, incapables de parler tant ils claquaient des dents. Le capitaine est resté huit jours entiers au lit sous l'emprise de la fièvre.